lundi 7 décembre 2015

Un livre qu’on referme avec un sourire aux lèvres et une larme au coin de l’œil




Quand l’affaire Raif Badawi est sortie dans les médias, comme des milliers de personnes, j’ai été bouleversée et fascinée par cette histoire cauchemardesque d’un blogueur saoudien condamné à 10 ans de prison et à 1 000 coups de fouet. 

J’ai commencé à prendre des notes, avec l’idée d’en faire un livre. Puis, il y a un an,  j’approche l’illustrateur Jacques Goldstyn au Salon du livre de Montréal pour lui demander s’il serait intéressé à collaborer sur un album sur Raif Badawi. Et Jacques, de me répondre qu’il est justement en train de créer un album sur un prisonnier politique.

Un an plus tard, le voilà en librairie, cet album de Jacques Goldstyn.  Il est absolument, totalement, majestueusement MAGNIFIQUE. Voilà un album à mettre entre toutes les mains, de 7 à 107 ans. Voici ma recension du livre, écrite pour la Campagne pour la lecture.


Un livre assez puissant pour susciter à la fois la détresse et la joie
Il y a des livres qu’on referme avec un sourire sur les lèvres et une larme au coin de l’œil. Oui, messieurs-dames, il y a des livres assez puissants pour susciter à la fois la détresse et la joie. Tel est le cas du nouveau livre de Jacques Goldstyn, intitulé Le prisonnier sans frontières. Je vous le recommande inconditionnellement, car voilà le genre de livre qu’on garde longtemps dans sa bibliothèque, pour le lire, le relire en attente du jour où on pourra le feuilleter avec ses petits-enfants. Le plus extraordinaire, c’est que ce nouvel album de Goldstyn dépeint l’humanité dans sa splendeur et sa laideur, montre qu’il y a des gens colossalement cruels et des gens infiniment bons et tout cela, sans une seule ligne, sans un seul mot. Avec ce livre admirable, Bayard offre à la scène littéraire québécoise un des plus beaux albums sans texte des dernières années.
   
Le prisonnier sans frontières, de Jacques Goldstyn
Le livre s’ouvre sur des images d’une manifestation pacifique. Un citoyen portant une simple pancarte est matraqué par un policier et expédié manu militari en prison. Dans sa cellule en isolement total, ce prisonnier d’opinion sombre dans le désespoir… jusqu’au jour où un petit rat et un oiseau lui apportent des lettres. Ces lettres d’appui arrivent par milliers, des quatre coins du globe. Le gardien de prison s’empresse de brûler ces missives porteuses d’espoir, mais la fumée s’élève au-dessus de la prison et va livrer un SOS un peu partout sur la planète. De l’astronaute au clown dans son cirque, du marin en mer à la vieille dame sur son banc de parc, de l’Inuit sur sa banquise au travailleur de construction, tous ces gens se mettent à écrire des lettres réclamant la libération du prisonnier et revendiquant la liberté d’expression.

Surtout connu comme bédéiste pour le magazine Les Débrouillards, Jacques Goldstyn s’éloigne ici de la bande dessinée pour signer un album engagé, où il développe un récit bourré de drame et de suspense. Récemment lauréat du Prix Jeunesse des libraires du Québec 2015 pour son album L’Arbragan, Goldstyn démontre à nouveau l’ampleur de son talent, ainsi que l’ardeur de son engagement d’artiste. L’auteur/illustrateur alterne habilement les images crève-cœur, tel ce policier qui pulvérise le ballon d’une enfant d’un coup de fusil, et les clins d’œil rigolos, comme ce sympathique petit rat qui écrit des lettres en trempant sa queue dans l’encre.

Dans cette histoire entièrement racontée sans paroles, Goldstyn fait un usage magistral des symboles. Il y a ce ballon rouge qui revient à intervalles réguliers dans l’histoire avant de finalement prendre l’allure d’un glorieux soleil. Il y a le prisonnier qui s’envole sur des ailes fabriquées entièrement à partir de lettres. L’illustration finale, en double page, est tout ce qu’on souhaite d’une conclusion : émouvante et lumineuse, porteuse d’espoir et incitant à l’engagement.

Jacques Goldstyn s’est inspiré du marathon d’écriture annuel d’Amnistie internationale pour créer cet album, qu’il a dédié à Raif Badawi. Si le livre est une réussite indéniable sur le plan artistique, il est aussi un important outil de conscientisation, à mettre dans les mains des petits de 5 ans autant que des grands de 15 ans. Il n’est jamais trop tôt, ou trop tard, pour ouvrir aux enfants des fenêtres sur le monde, pour les aider à développer leur conscience citoyenne.
Le prisonnier sans frontières. Jacques Goldstyn, Bayard Canada

Marathon d’écriture d’Amnistie internationale
Chaque année, en décembre, Amnistie internationale mobilise des centaines de milliers de personnes dans plus de 140 pays. Ces bénévoles écrivent en soutien aux prisonniers d’opinion et aux individus dont les droits sont violés partout dans le monde. Les membres d’Amnistie internationale Canada francophone (AICF) organisent plus de 50 marathons d’écriture dans plusieurs villes, en invitant la population à écrire des messages de solidarité. Ces marathons d’écriture ont fait la preuve de leur efficacité puisque plus de 66 % des cas emprisonnés sont libérés ou voient une amélioration de leurs conditions de détention. Pour plus d’informations, cliquez ici.