vendredi 17 avril 2015

Telle une tonne de briques… la leçon d’humilité


Ne jamais choisir un piédestal trop haut...

Trois dizaines d’enfants (tous entre 8 et 9 ans) m’écoutent poliment présenter mon baratin d’auteure.
Je veux faire bonne impression.
Je veux leur donner le goût de lire.
Leur donner le goût de lire mes livres.

Donc.
J’en beurre épais.
Je gonfle l’anecdote.
Je force le trait.
Je soigne mes chutes.
Je les regarde dans les yeux.
Je leur souris.
Je ris de moi-même (un peu, mais pas trop).
Je gesticule.
Je m’épuise en sparages.
Je sue.
Je postillonne.
Je me donne.

La cloche sonne la fin de mon « show ».
Ouf.
Moi l’introvertie, qui vient de passer une heure à jouer les extroverties, je respire.
Je remballe mon matériel avec soulagement.
Avec le sentiment du devoir accompli.
J’ai réussi à capter leur attention.
À les accrocher pendant 60 minutes.
Je les ai peut-être même un peu séduits?

Tout sourire, les élèves défilent devant moi, en route vers leur récré.
Un garçon s’attarde et me confie, du ton le plus sérieux du monde : « C’était intéressant tout ce que tu as raconté, mais moi mon idole c’est Alex A. »

Tonne de briques… la leçon d’humilité me tombe dessus.

dimanche 12 avril 2015

L’espoir immense de la néophyte : beau, mais périlleux



En ce dimanche lumineux, dernier jour du Salon du livre de Québec, nous sommes trois à sortir de nos cabines en même temps et nous retrouver devant les lavabos des toilettes des femmes.

La jeune femme est blonde, svelte et pimpante dans sa robe noire et ses bottillons.
Elle se regarde longuement dans le miroir, vérifie ses cheveux, son rouge à lèvre parfaitement rouge.
Elle se tourne vers moi et me demande, fébrile :

Elle: Est-ce que j’ai l’air correct?
Moi (un peu surprise, mais amusée) : Oui, pas de jupon qui dépasse.
Elle : Je présente mon premier roman pour la première fois.
Moi : Es-tu en animation sur scène?
Elle : Non, juste en séance de signature, chez mon éditeur.

Dame aux cheveux blancs (qui écoutait la conversation) : C’est pas compliqué. Il faut juste que tu te dises « je suis belle, j’suis bonne, j’suis fine ».

La jeune femme sourit. Elle vérifie son rouge à lèvres une dernière fois et part sans se laver les mains.

J’ai envie de la retenir, deux minutes, avant qu’elle se lance dans la jungle de son premier Salon du livre comme auteure. La retenir pour l’avertir. La prévenir. Lui dire de ne pas se faire trop d’espoir. Que c’est souvent cruel les salons du livre. Qu’elle sera perdue parmi des centaines d’auteurs et des milliers de livres. Que la foule regarde beaucoup, mais achète peu. Que les visiteurs passent souvent devant ta table sans même te jeter un regard. Qu’elle pourra sans doute compte sur les doigts d’une seule main les gens qui s’intéresseront vraiment à son livre, résultat de deux ans de labeur, d’angoisse, de doutes, d’acharnement et de fierté. J’ai envie de lui dire de se protéger. J’ai envie de lui dire de se laver les mains après être passée aux toilettes. 



Dame aux cheveux blancs : C’est beau de voir une jeune excitée comme ça.
Moi : Est-ce que vous êtes auteure?
Dame aux cheveux blancs (secouant la tête) : J’ai toujours voulu écrire, mais je n’ai jamais eu le guts de le faire.

La dame finit de se laver les mains et part à son tour.

J’ai quitté les toilettes des femmes avec des sentiments partagés. Nostalgique de ne plus vibrer de l’espoir immense de la néophyte. Sereine d’avoir su survivre aux aléas de l’édition et d’avoir assez de guts pour continuer à écrire.