vendredi 14 octobre 2011

Fierté écorchée


On m’avait dit que les Éthiopiens étaient fiers. Très fiers.
Oh que oui.
Je l’ai compris.
Un peu trop tard.

Alors voici. Je me ballade dans les rues d’Addis Ababa en compagnie de Cisso, beau grand jeune homme qui termine son secondaire, rêve d’être médecin et vend de l’eau en bouteilles pour arrondir ses fins de mois. Je n’ai rien demandé à Cisso qui a lui-même décidé qu’il serait mon guide.

En passant devant une cabine téléphonique, l’idée me prends de faire une photo de cette installation en voie de disparition au Canada. Tandis que je photographie les cabines, un homme s’avance vers nous et se met à engueuler Cisso. Je ne comprends rien à la discussion, qui se déroule entièrement en ahmarique. Par le ton et la gestuelle, je perçois cependant que Cisso tente d’expliquer, de tempérer, mais que l’autre n’est pas d’humeur à écouter. Heureusement, mon jeune guide ne perd pas son sang-froid. Il me fait un signe discret, qui en langage universel, signifie : « Crissons notre camp au plus sacrant… »

Plus loin, quand je demande des explications, Cisso de me répondre dans son anglais approximatif: « Il était fâché que vous preniez des photos des cabines à cause des portes brisées. Il ne voulait pas que vous montriez ces cabines brisées dans votre pays.»

Comment faire pour réparer une fierté qu’on vient d’écorcher? Même si j’étais retournée voir l’homme en colère et que j’avais effacé les photos devant lui, il était trop tard. Qui sait, la blessure à son orgueil d’Éthiopien était peut-être bien plus ancienne et plus profonde que celle que je venais de lui infliger? N'empêche. J'avais eu ma leçon. J’ai continué ma ballade, mais avec mon appareil photo enfoui tout au fond de mon sac.

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