jeudi 20 mai 2010

L'épouvantable péché de la procrastination


Ma poudre d’or.
C’est ainsi que j’appelle la recherche que je fais pour mes livres.
Poudre d’or.
Joli terme n’est-ce pas?
Malheureusement, il n’est pas de moi.
Je l’ai emprunté à un/e auteur/e dont je n’arrive pas à me rappeler du nom.
Désolée M. ou Mme l’Auteure-dont-j’ai oublié-le-nom.

La poudre d’or, ce sont ces anecdotes, infos fascinantes, trucs rigolos ou joyaux qu’on trouve en faisant de la recherche et qu'on saupoudre ensuite sur son récit pour l’enrichir.

Je suis une fana de recherche.
À chaque nouveau livre, j’en fais toujours trop.
J’en ai d’ailleurs déjà parlé ici


Pour mon roman pour ados, j’ai amassé assez de documentation pour pouvoir écrire une encyclopédie du pissenlit.
Pour ce roman, je suis devenue une spécialiste du bonsaï (en théorie seulement, pas en pratique).
Pour cet autre livre, les combats de cerfs-volants n’avaient plus de secrets pour moi.
Et pour celui-ci, c’était les défis des courses de boîtes à savon.


Et en ce moment, pour le nouveau manuscrit sur lequel je travaille, je suis en train de devenir experte en bébés mouffettes.
Sauf que…
Pendant que je m’éduque sur les bébés bêtes puantes… je n’écris pas.
D’où ma relation amour/haine, mon rapport doux-amer à la recherche.
La recherche m’amuse, me nourrit, me stimule et m’enrichit. Mais elle me fait tomber dans le pire vice pour un auteur: l’épouvantable péché de la procrastination.

mardi 18 mai 2010

De la poésie pour ceux qui ont peur de la poésie...


Amédé, Georgette Leblanc. Poésie. Éditions Perce-Neige. 88 pages.

Voici un recueil de poésie pour les gens qui ont peur de la poésie. Si vous osez ouvrir Amédé, Georgette LeBlanc vous donnera envie de poésie.

Comme je l'expliquais samedi dans ma chronique aux Divines Tentations, on parle ici d’un livre à mi-chemin entre la poésie et le récit… une prenante histoire qui se lit d’une traite et quand on l'a terminé, on se dit, tiens, c'était aussi un poème.

Amédé débarque un jour dans un village de la Louisiane, au bord de la rivière Atchafalaya. Malheureusement pour lui, il tombe en amour avec une femme mariée. Heureusement pour lui, il se fait un grand ami, Lejeune.
Les deux hommes vont devenir des musiciens nomades parcourant le Texas pour y répandre leurs airs de violon et d’accordéon.

On dit de la langue de Georgette Leblanc que c’est le « français acadien du sud-ouest de la Nouvelle-Écosse ». C’est d’abord et avant tout une langue bardée de couleurs, une langue qui chante et qui danse, pittoresque bien sûr (dans le sens noble du mot) et éminemment poétique.

Lire Amédé m’a ramené vers Zachary Richard et aussi vers la Sagouine. Outre la parlure acadienne, on retrouve chez Georgette Leblanc une certaine parenté avec Antonine Maillet, notamment pour ses personnages plus grands que nature et l’aspect un peu folklorique, mais en même temps très intemporel de son récit.

Georgette Leblanc s'est fait remarquer lors de la sortie de son premier livre Alma qui avait remporté le prestigieux prix Félix-Leclerc et le prix Antonine-Maillet-Acadie-Vie.

Goûtez ce court extrait d’Amédé puis courez la découvrir par vous-même:

«L'Histoire a braqué dans la nuit
un soir de fond de logis
j'étions assis
j'avions brassé le fudge
raccommodé mitaines et bas
piqué et repiqué coton
en falaise, en horizon
jusqu'aux quatre mâts d'une couverte.»

lundi 17 mai 2010

Le désespoir d'un homme qui a mal aimé


Je ne veux pas mourir seul, Gil Courtemanche, Boréal. 155 pages.

Quand on est une personnalité publique, il faut énormément de courage pour publier un livre où l’on étale au grand jour ses défauts, ses faiblesses et ses manquements.
Gil Courtemanche a ce courage dans son nouveau livre Je ne veux pas mourir seul.
Le résultat me laisse à la fois admirative et sceptique.
J’en ai parlé dans ma chronique de samedi aux Divines Tentations.

J’admire énormément l’indignation et l’engagement de Gil Courtemanche dans ses chroniques du Devoir. Des ingrédients que j’ai d’ailleurs retrouvés et appréciés dans ses romans Un dimanche à la piscine à Kigali et Le Monde, le lézard et moi. Des livres riches, complexes et percutants.

Mais dans son dernier bouquin, il délaisse le roman pour l’autofiction.
Ce qui veut dire? Hum… Pas certaine. Apparemment, la majeure partie du récit serait vraie avec quelques bribes de fiction par-ci par là…

Gil Courtemanche apprend la même semaine que sa femme le quitte et qu’il est atteint d’un cancer du larynx. La peine d’amour le fait davantage souffrir que les traitements pour son cancer et la perspective de mourir.
C’est qu’il l’a mal aimé, cette Violaine, une femme qui a la moitié de son âge.
Maintenant qu’elle l’a quitté, il se rend compte à quel point cet amour donnait un sens à sa vie.
Et il fait son bilan. Malgré sa carrière de journaliste et ses succès littéraires, Courtemanche écrit:«J’écris pour dire que j’ai raté ma vie.»
Et le journaliste/romancier de se montrer sous son pire jour : alcoolique, fumeur invétéré, mauvais mari, père absent, etc.

On oscille ici entre le journal intime et l’essai, entre les confidences et une réflexion sur la mort et l’amour.
Nous voilà devant les épanchements d’un homme désespéré qui par l’écriture, laisse libre cours à son désespoir.
On sent parfaitement son urgence d’écrire.
C’est intense.
Certains passages bouleversent.
Mais il y a des redites et des longueurs.
Et cet étrange strip-tease, totalement impudique, me laisse perplexe.
Un peu mal à l’aise même.
En entrevue, l’auteur a affirmé qu’il voulait écrire ce livre pour «pour le con qui n’aime pas bien (…) Pour qu’il se mette à la tendresse et à l’amour avant qu’il ne soit trop tard».
Mais Gil Courtemanche me semble plus convaincant, plus original, plus incontournable, quand il nous ouvre les yeux sur les injustices et la douleur du monde, plutôt que sur ses ratages personnels.